L’avenir du Québec : La vision autonomiste de l’ADQ
« Senyores i Senyors, bona nit. Vull en primer lloc donar les gràcies a la Fundació Catalanista i Demòcrata Trias Fargas. »
Merci de m’accueillir au siège du Collège pour me permettre de partager avec vous ma vision du Québec. La Catalogne est un lieu privilégié pour moi et pour ma formation politique pour présenter, sur la scène internationale, notre projet d’autonomie pour le Québec.
Nos deux nations partagent certains traits communs et significatifs. La Catalogne est animée par une identité forte, une langue et une culture qui lui sont propres. Le Québec, seul État francophone en Amérique du Nord, forme une nation distincte dans l’ensemble canadien.
Le 26 mars dernier, les Québécois ont élu à l’Assemblée nationale 41 députés adéquistes qui partagent une vision autonomiste de l’avenir du Québec. Il s’agit d’un changement majeur dans la dynamique politique puisqu’avec 48 députés, les libéraux forment le premier gouvernement minoritaire depuis plus de 100 ans au Québec. Dans la même veine, le Parti québécois compose aujourd’hui le deuxième parti d’opposition, une première dans son histoire.
Le projet autonomiste que propose l’ADQ se décline en trois temps : l’autonomie des individus, l’autonomie des régions et l’autonomie du Québec au sein du Canada. En effet, nous souhaitons libérer le talent et stimuler l’initiative. Nous souhaitons la mise en place de politiques publiques qui respectent les besoins de chacun, en plus d’accroître la liberté de choix des citoyens. Dans ses rapports au sein de l’ensemble canadien, l’ADQ propose que le Québec affirme ses pouvoirs et son identité sans pour autant se séparer.
Peu importe les époques, les Québécois ont su s’adapter et innover en terre d’Amérique. Pour relever les nouveaux défis du Québec d’aujourd’hui, l’ADQ fait appel à la capacité de changement des Québécois.
Le changement que propose l’ADQ repose sur des valeurs telles la responsabilisation, la rigueur, une vision à long terme de la gestion de l’État, une approche humaine plutôt que bureaucratique, ainsi que la valorisation de l’effort, du travail et de l’excellence.
En plus d’insister sur le développement et la compétitivité de l’économie québécoise, l’ADQ propose des réformes sectorielles importantes.
Sur le plan social, nous voulons accroître le soutien aux familles. En éducation, nous souhaitons réintroduire l’excellence et la rigueur. En santé, nous souhaitons faire une place intelligente au secteur privé pour améliorer les soins et réduire l’attente.
Sur le plan international, l’ADQ veut que le Québec fasse entendre sa voix et participe pleinement aux défis du monde d’aujourd’hui, que ceux-ci soient liés à la prospérité économique, à la protection de l’environnement ou à la promotion de la diversité culturelle.
Le parti politique que je dirige est né en 1994, dans la foulée de l’échec de l’Accord du Lac Meech. Cet accord visait à permettre au Québec de signer la constitution canadienne qui fut rapatriée de Londres en 1982 sans son consentement. Depuis l’élection d’un nouveau gouvernement à Ottawa il y 2 ans, un nouveau climat d’ouverture plus propice au dialogue constitutionnel est apparu. Nous croyons que le Québec doit profiter de cette ouverture pour entamer des discussions constitutionnelles et faire des gains sur le plan de son autonomie.
Les principales assises de l’Action démocratique du Québec reposent sur une identité propre au peuple québécois. Cette identité est la résultante de notre histoire : l’histoire d’un peuple désireux de se développer et de s’épanouir. Cette identité demeure aussi le principal moteur d’une volonté toujours actuelle des Québécois d’obtenir plus d’autonomie à l’intérieur du Canada. C’est ce que l’ADQ propose aux Québécois avec son projet autonomiste.
400 ans d’Amérique francophone
La Ville de Québec célèbre cette année le 400e anniversaire de sa fondation. Bien que nous soyons un peuple jeune aux yeux de l’histoire, les quatre siècles qui composent notre passé nous ont permis de développer des valeurs bien ancrées et d’asseoir les raisons de notre différence en Amérique du Nord. L’autonomie du Québec n’est pas un concept sans racine et sans histoire. L’autonomie trouve sa raison d’être dans certaines valeurs québécoises issues de l’héritage de nos ancêtres et d’un parcours historique original.
L’histoire de l’Amérique francophone a pour ancrage celle de Québec fondée en 1608. Il s’agit d’une histoire de découvertes, de commerce et d’exploration. C’est l’histoire d’explorateurs qui ont investi un territoire vierge à la conquête de l’inconnu. C’est l’histoire d’hommes et de femmes animés par un courage hors du commun qui ont bâti un Québec moderne sur un territoire où, moins de quatre siècles auparavant, tout était à faire.
Il en a fallu du courage, de l’audace et surtout de la créativité pour construire une société francophone en Amérique. Les pionniers du Québec ont exploré un nouveau continent. Ils ont fondé des familles et défriché la terre. Avec le soutien des Premières Nations, ils ont fait face à l’hiver, ils ont développé de nouveaux outils.
Pour comprendre la quête autonomiste du Québec, il faut revenir à ces premières années de la colonisation des Amériques et aux actes fondateurs de l’Amérique française. On sous-estime trop souvent le rôle de nos pionniers dans la découverte de l’Amérique et de l’Ouest. Ils furent les premiers à entrer dans les profondeurs du Fleuve St-Laurent, jusqu’au centre de l’Amérique, et à explorer des territoires jusque-là inconnus du monde occidental.
Les racines de la volonté autonomiste des Québécois se trouvent dans cet héritage laissé par nos explorateurs et nos bâtisseurs.
Et cette volonté de vivre et de se développer va se transposer, à partir de la Conquête anglaise de 1760, sur les territoires de la politique puis de l’économie.
La quête autonomiste du Québec
L’histoire du Québec a vécu une rupture en 1760 lorsque la Couronne d’Angleterre a conquis la Nouvelle-France. Mais ce nouveau statut n’a pas éliminé chez les ancêtres des Québécois d’aujourd’hui cette volonté d’acquérir plus de liberté et d’autonomie. Au lieu de laisser mourir leurs racines et leur langue, nos ancêtres ont investi le terrain politique pour revendiquer un gouvernement démocratique et plus de libertés. Les institutions démocratiques québécoises figurent d’ailleurs parmi les plus anciennes et les plus stables du monde. Notre parlement siège depuis 1792.
La première lutte pour accroître l’autonomie politique du Québec s’est exprimée par la quête du gouvernement responsable. Dans un texte publié dans le journal Le Canadien, le 7 mai 1831, Étienne Parent traduit bien la volonté autonomiste des Canadiens-français de l’époque :
Mériterons-nous de devenir le rebut des peuples, un troupeau d’esclaves, les serfs de la glèbe, qui nous tournerons au profit de quiconque voudra se rendre notre maître? C’est pourtant le sort qui nous est réservé, si nous ne prenons pas le seul moyen que nous avons de nous y soustraire, qui est d’apprendre à nous gouverner nous-mêmes. Point de milieu, si nous ne nous gouvernons pas, nous serons gouvernés.
Après avoir connu l’imposition de l’Acte d’Union où le gouvernement responsable a été accordé au prix d’un affaiblissement de notre poids politique, le Québec est devenu, en 1867, un État avec des pouvoirs exclusifs en plusieurs matières au sein d’un régime fédéral.
Depuis, dans une volonté autonomiste, les différents gouvernements du Québec se sont efforcés de servir de rempart face aux tentatives du gouvernement fédéral d’investir ses champs de compétences. Dans une perspective plus positive, le Québec a également su maximiser ses pouvoirs au sein du cadre fédératif canadien. Il s’est ainsi forgé une personnalité internationale, et il veille à la défense de sa langue et de sa culture tout en assumant un plus grand contrôle de son économie.
En 1980 ainsi qu’en 1995, les Québécois ont rejeté à deux reprises le projet de souveraineté qui leur était proposé par voie de référendum. Notre responsabilité, comme dirigeants politiques est de prendre acte de ces résultats. L’ADQ considère que pour faire de nouveaux gains sur le plan de l’autonomie du Québec, la stratégie du gouvernement doit unir les Québécois plutôt que les diviser. Nous devons offrir un projet résolument nationaliste qui permet au Québec d’obtenir les pouvoirs dont il a besoin au sein de l’ensemble canadien.
L’autonomie pour affirmer ce que nous sommes
L’ADQ croit profondément que c’est en maintenant animée la volonté autonomiste et l’esprit de bâtisseur des Québécois que nous pourrons assurer notre prospérité future et le rayonnement de notre identité.
Sur le plan constitutionnel, les fondements de la vision autonomiste que l’ADQ propose aux Québécois reposent sur six grands principes :
1. Une loyauté première au Québec.
2. Tous les citoyens vivant sur le territoire du Québec sont des Québécois.
3. Le développement du Québec comme nation distincte passe naturellement par un accroissement de notre autonomie.
4. Nous respectons les Canadiens hors Québec, nous apprécions notre histoire commune et nous les considérons comme nos partenaires privilégiés.
5. Notre priorité est l’avenir et le bien-être des prochaines générations de Québécois.
6. Nous entendons faire avancer le Québec en générant des consensus. Nous souhaitons unir plutôt que de diviser.
Ces six grands principes ont permis à l’ADQ d’établir des objectifs clairs à réaliser pour l’atteinte d’un État plus autonome.
D’abord, un État autonome du Québec doit avoir sa propre constitution écrite pour affirmer son identité, ses valeurs, les droits et libertés des citoyens et la pérennité de ses institutions démocratiques. L’ADQ veut faire de l’adoption d’une constitution québécoise un acte fondateur où les citoyens seront appelés à rassembler les fondements de leur existence commune et à affirmer leur volonté de prospérer ensemble.
L’autonomie doit d’abord servir à affirmer ce que nous sommes et à reconnaître notre caractère distinct. Les Québécois disposent déjà des moyens de le faire. Ils n’ont besoin d’aucune permission pour affirmer leur identité.
Dans ses relations avec le gouvernement fédéral, l’autonomie du Québec signifie une défense active de nos champs de compétence contre les intrusions du gouvernement fédéral. Cela signifie aussi que le Québec devienne le promoteur d’une plus grande décentralisation du régime fédéral et que, dans le respect de son caractère distinct, il négocie d’égal à égal avec Ottawa.
Pour l’ADQ, l’autonomie doit aussi vouloir dire l’accroissement de son indépendance financière par rapport au gouvernement fédéral. Pour ce faire, il importe de régler définitivement la question du déséquilibre fiscal qui produit une distorsion entre les revenus de chaque gouvernement par rapport à leurs responsabilités respectives. Malgré un premier redressement significatif, le gouvernement fédéral perçoit toujours plus de revenus qu’il n’en a besoin pour assumer ses compétences. Le rétablissement d’un équilibre fiscal demeure prioritaire.
Toujours au plan financier, l’ADQ entend s’attaquer au problème de l’endettement du Québec. Il s’agit pour nous d’un obstacle à l’autonomie et à la prospérité du Québec.
Pour accroître l’autonomie financière du Québec, l’ADQ entend également relancer les grands projets de barrages hydroélectriques afin de créer plus de prospérité et de générer davantage de richesse collective. Le Québec doit aussi, par une fiscalité plus compétitive et une réglementation qui ne freine pas l’esprit d’initiative, mettre en place un environnement encore plus accueillant pour l’investissement.
L’ADQ croit profondément que c’est par l’accroissement de l’autonomie du Québec, de ses régions et de ses citoyens que nous pourrons générer plus de prospérité, affirmer notre identité et permettre à tous les Québécois d’obtenir une chance égale d’atteindre le bonheur dans le respect des aspirations de chacun.
L’autonomie n’est pas un principe réducteur. Ce n’est pas un réflexe protectionniste visant à isoler le Québec du reste du monde. Au contraire, la consolidation de l’autonomie et de l’identité québécoise doit servir de tremplin pour le Québec, particulièrement en matière d’économie et de culture.
Identité et prospérité
Dans le contexte de la mondialisation, certains prétendent que les débats identitaires vont à l’encontre du développement économique. Au contraire, notre formation politique considère que la force identitaire d’une nation et sa prospérité sur le plan économique vont de pair. Il s’agit de deux facettes d’une même médaille. L’une renforce l’autre.
Parce qu’elle inspire la confiance en l’avenir, une identité nationale forte permet une plus grande ouverture aux autres. Une identité nationale qui s’affirme permet de mobiliser les forces vives d’une société sur le chemin de la réussite et du dépassement. Une identité nationale forte donne un sens à la contribution positive d’une nation à la diversité culturelle dont le monde a besoin.
Dans la même veine, l’économie d’aujourd’hui repose plus que jamais sur le savoir et le savoir-faire. Les sociétés qui réussissent sont celles qui n’ont pas peur d’innover. Ce sont les sociétés qui favorisent la création et l’innovation.
L’innovation et la création sont au cœur même de l’identité québécoise. Seul État francophone d’Amérique, le Québec s’est bâti grâce au génie québécois.
Comme je le disais précédemment, Québec fête le 400e anniversaire de sa fondation cette année. Le Québec d’aujourd’hui s’inscrit dans la modernité. Il peut compter sur de grandes institutions de recherche et d’enseignement. Nos entreprises figurent parmi les leaders sur les marchés internationaux. Nos institutions culturelles, comme nos créateurs, témoignent de l’originalité québécoise partout à travers le monde.
La prospérité repose sur la capacité des États d’être bien équipés pour relever les défis d’un monde de plus en plus compétitif. L’ADQ souhaite que l’État québécois investisse davantage dans l’enseignement supérieur et dans la recherche. L’ADQ souhaite également que le Québec obtienne davantage d’autonomie, notamment pour être en mesure d’appuyer efficacement le développement de la main-d’œuvre.
La prospérité d’une nation est aussi synonyme d’autonomie. La richesse collective d’un peuple lui ouvre la porte de l’affirmation. Cette prospérité lui donne les moyens de ses ambitions. À ce chapitre, l’ADQ considère que le Québec doit faire mieux. Dès la fondation de notre formation politique, nous avons fait le constat qu’il fallait collectivement créer davantage de richesse au Québec.
La langue commune du Québec, le français, nous confère également un avantage. Elle place le Québec au carrefour de l’Europe et de l’Amérique. Elle fait du Québec un coin du monde aux accents uniques. Elle donne à ses habitants une cohésion nationale stimulante. Comme c’est le cas pour toute minorité qui a une soif de se développer tout en affirmant sa culture, le français contribue à doter le Québec d’une créativité débordante.
Le succès international du Cirque du Soleil est éloquent. Le rayonnement du cinéma québécois l’est également. C’est d’ailleurs avec beaucoup de fierté que l’on m’a appris que le film québécois C.R.A.Z.Y de Jean-Marc Vallée avait été présenté l’été dernier sur la colline de Montjuïc, sous un ciel étoilé.
Dans le domaine théâtral, une production de Robert Lepage prend l’affiche cette semaine à Barcelone. Le spectacle québécois Cavalia est également présenté dans votre capitale. Les gens de la troupe que j’ai rencontrée, hier, m’ont d’ailleurs parlé de l’accueil chaleureux des Catalans et de la grande complicité qui existe entre le Québec et la Catalogne.
Depuis toujours, le Québec est une terre d’accueil. En effet, le Québec d’aujourd’hui s’est bâti en s’appuyant sur une intégration réussie des nouveaux arrivants. Les gens qui choisissent aujourd’hui le Québec sont un apport important dans l’édification du Québec de demain.
Nous croyons que pour être un succès, cette ouverture doit se faire dans le respect de nos valeurs communes et dans le principe reconnu de la claire prépondérance de notre langue.
Comme partout en Occident, le Québec n’échappe pas au phénomène du vieillissement démographique. Dans ce contexte, le Québec doit être à l’avant-garde sur le plan des politiques familiales. La famille doit devenir une priorité collective qui mobilise l’ensemble de la société.
Les Québécois d’aujourd’hui ont le devoir de protéger notre héritage francophone d’Amérique. Nous le devons à tous ceux qui nous ont précédés depuis 400 ans. Nous le devons aussi à tous ceux qui nous suivent.
La Catalogne est un partenaire de premier plan pour le Québec. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai tenu à venir ici lors de mon premier séjour officiel à l’extérieur du Québec à titre de chef de l’opposition.
En plus d’une amitié soutenue entre nos gouvernements, nos sociétés partagent des enjeux communs, notamment sur le plan de l’identité culturelle et linguistique, et sur le plan de l’intégration des immigrants et du développement technologique. Nous souhaitons que le Québec développe encore davantage ses liens avec la Catalogne.
Votre destin national est inspirant à plusieurs égards. Vos succès illustrent que la prospérité donne de la force à l’identité. Vos réussites indiquent qu’une identité forte insuffle le dynamisme et la fierté nécessaires à l’atteinte de la prospérité.
Après avoir milité activement pour la diversité culturelle, le Québec doit maintenant approfondir ses liens avec ses partenaires. C’est dans ce contexte que j’ai choisi la Catalogne lors de mon premier séjour officiel à l’extérieur du Québec. »
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