3 avril 2007

mettre fin au monopole public en santé

Le Devoir - Édition du mardi 03 avril 2007

Éminence grise de l'ADQ, le Dr Stephen Morgan fera le saut en politique fédérale avec les conservateurs

L'architecte de la position de l'Action démocratique du Québec en faveur du privé en santé, le Dr Stephen Morgan, s'apprête à faire le saut en politique fédérale avec les conservateurs. Son objectif: modifier la Loi canadienne de la santé afin de mettre fin au monopole public.
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Le Dr Morgan a confirmé au Devoir que le Parti conservateur lui a proposé de briguer les suffrages sous sa bannière lors des prochaines élections. L'aventure intéresse celui qui se décrit comme «un homme de devoir». «Pour moi, ce qui est important, c'est que les idées que j'ai toujours défendues aillent de l'avant. Et si on m'a approché, c'est parce qu'on connaît mes idées. D'ailleurs, plusieurs des conseillers de M. Harper sont des adéquistes avec qui j'ai travaillé en 2002», explique le Dr Morgan.

Stephen Morgan est un ardent défenseur d'un changement en profondeur du système de santé. Devant le puits sans fond que sont devenus les services de santé au Québec (la santé accapare annuellement 43 % du budget provincial), mais aussi dans tout le pays, le Dr Morgan estime qu'il est temps de mettre fin à l'«hypocrisie».

«Le système canadien a besoin d'être adapté. C'est essentiel. Mais le problème avec la loi canadienne sur la santé, c'est qu'elle a une valeur identitaire et qu'il y a une religion anti-privé. Il y a aussi la crainte de l'ogre américain. Il faut trouver un juste milieu qui ressemble à ce que les pays européens ont réussi», soutient-il.

En 2002, le Dr Morgan a participé aux travaux de réflexion sur la santé au sein de l'ADQ, ce qui avait mené à la présentation d'un rapport intitulé En santé autrement. Il était même présenté comme le ministre de la Santé d'un éventuel gouvernement de l'ADQ. À l'approche des élections générales, il avait décidé de ne pas monter dans le train adéquiste.

Les adversaires péquistes et libéraux n'avaient pas tardé à prendre d'assaut l'ADQ et les changements proposés, n'hésitant pas à démoniser le chef Mario Dumont. La débâcle électorale de l'ADQ six mois plus tard avait forcé par la suite Mario Dumont à revoir ses propositions. Au cours de la récente campagne électorale, le chef adéquiste n'a pas présenté un plan d'action aussi précis qu'il y a quatre ans, se limitant à promettre l'ouverture de cliniques privées pour régler le problème des patients en attente d'une chirurgie. Il a toutefois réitéré sa vision d'un système mixte de santé.

Pour Stephen Morgan, l'importante percée de l'ADQ la semaine dernière «réhabilite une vision de la droite». Cela ouvre la porte à une contribution accrue du secteur privé, qui s'additionnerait aux services publics en place. Mais encore faut-il que l'ADQ forme le prochain gouvernement. «Je suis content parce que Mario Dumont est dans l'antichambre du pouvoir. Il a besoin d'à peu près deux ans pour se préparer», croit le Dr Morgan qui ajoute: «Être de droite, ce n'est pas être mesquin, ce n'est pas manquer d'empathie. C'est d'abord responsabiliser les individus. Mais aussi la décentralisation des pouvoirs».

C'est donc dans cet esprit que le Dr Morgan aborde la possibilité d'être candidat conservateur. Au cours des dernières semaines, deux dirigeants du Parti conservateur (PCC) ont communiqué avec lui, dont l'organisateur en chef pour le Québec, Pierre Coulombe. Au PCC, on refuse de confirmer ou d'infirmer les approches faites auprès du Dr Morgan; on se borne à dire que le travail de recrutement va bon train.

Un «vent nouveau»

Stephen Morgan est associé à l'heure actuelle à Santé Canada. Auparavant, le Dr Morgan qui est spécialisé en chirurgie, a travaillé à l'hôpital Saint-Luc. Il a également été directeur général de l'hôpital de Lachine. Dans la jeune soixantaine, il souhaite profiter du «vent nouveau» qui souffle sur les relations fédérales-provinciales depuis que Stephen Harper est premier ministre du Canada.

Selon lui, la loi canadienne de la santé est «trop rigide»; la présence des conservateurs est une occasion de l'assouplir. Du même coup, le gouvernement Harper pourrait concentrer ses activités en santé là où ses compétences sont requises (la santé animale, les épidémies potentielles et leurs conséquence sur le commerce international, par exemple). «Le rôle d'un gouvernement fédéral en santé, c'est d'abord de s'occuper de ses oignons. La loi canadienne de la santé balise l'aide fédérale en santé. Et elle est étouffante, elle est excessive», explique le Dr Morgan.

Il n'est pas question de se satisfaire de la loi 33 qui permet des chirurgies dans le secteur privé pour les genoux, les hanches et les cataractes. Pour le Dr Morgan, le ministre de la Santé, Philippe Couillard, «a accouché d'une souris». «Le jugement Chaoulli, c'est une opportunité perdue parce qu'on pouvait ouvrir au privé de façon équilibrée. En se limitant à trois chirurgies, c'est l'aggravation de l'hypocrisie», soutient le Dr Morgan.

Un système de santé mixte où se croisent public et privé permettrait un contrôle des prix et le contrôle de la qualité d'une industrie aujourd'hui souterraine, croit-il. «C'est le "free for all". Le seul contrôle, c'est la loi du marché», assure-t-il.

Ce dernier prône notamment la mise en place d'un ticket modérateur, afin de freiner la surutilisation des services de santé. Déjà, il y a quatre ans, le Dr Morgan défendait l'idée selon laquelle l'accès aux médecins spécialistes devrait être payant à moins que le patient ne soit envoyé par un omnipraticien. Aux yeux du Dr Morgan, il est impensable qu'un pédiatre fasse de la vaccination ou que des parents se rendent aux urgences avec leur bébé fiévreux à cause d'une otite. Il suggère que l'on attribue davantage de responsabilités aux infirmières. «J'ai fait de la médecine pendant trente ans, 80 % de ce qui se présente dans une salle d'urgence, peut être réglé en 5-10 minutes par une infirmière», affirme le Dr Morgan.

Si le Dr Morgan décide de se lancer en politique fédérale, ce sera pour défendre ces idées. Et l'enthousiasme ne semble pas lui faire défaut.

Source: http://www.ledevoir.com/2007/04/03/138038.html